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Comment trouver un emploi au Japon: témoignage de Julie 2ème partie

Vous pouvez regarder la vidéo ou l’article correspondant à la première partie de l’interview en cliquant ici.

 

Adriana: Julie, d’après toi, qu’est-ce qui fait qu’on t’a embauché toi, plutôt qu’un autre candidat? Est-ce que les recruteurs t’ont fait part de ce qui a fait la différence?

 
Julie: Ils ne me l’ont pas dit. Pour être honnête, je ne sais pas. Je ne suis pas sûre. Je pense que j’avais beaucoup insisté sur ma lettre de motivation sur le fait que j’avais beaucoup voyagé pendant mon enfance et mon adolescence, que j’ai fait vraiment beaucoup de pays et des lycées français à l’étranger. Peut-être que c’est ça qui a fait la différence: j’étais déjà rentrée dans un lycée français à l’étranger, je sais comment ça fonctionne. Peut-être que de dire aussi que j’avais des bases de japonais a montré que le Japon était un vrai choix et pas un coup de tête.
 
Adriana: Pour résumer, ce qui a fait la différence c’était d’être francophone car tu postulais à un lycée français, parler anglais pour pouvoir communiquer et se faciliter la vie, le fait d’avoir une affinité “prouvée” pour le Japon, le diplôme FLE pour montrer que tu peux aussi donner des cours de français aux enfants qui ne maîtrisent pas le français?
 
Julie: Oui, par contre, je n’avais pas le FLE. Mais c’est clair que ça les intéresse. 
 
Adriana: Comment s’est passée ton intégration au Japon?
 
Julie: Alors, ça c’est vraiment un point important. J’ai beaucoup voyagé et le Japon a beau être complètement différent au niveau culturel, ça reste un pays occidentalisé même si c’est en extrême orient. Même si on perd beaucoup de nos repères, on n’en a quand même pas mal aussi comme  la manière de vivre ou la façon de se déplacer. Ce qui change vraiment; c’est tout ce qui est “étiquette” et “code” au Japon. Une fois qu’on sait les impairs qu’il ne faut pas faire, on évite de les faire et tout se passe bien. En plus, les japonais sont d’un accueil et d’une simplicité impressionnante: ils sont tout le temps là pour nous aider. Ils ont cette manière de toujours penser à l’autre avant eux-même, qui fait qu’ils s’occuperont toujours de toi: s’ils voient que tu es perdu, ils vont venir t’aider. Ils sont vraiment très aimables et serviables. 
 
Adriana: C’est vrai que c’est un trait de caractère qui m’avait marqué quand je suis allée au Japon dans le cadre professionnel, de voir que dès qu’ils vous voient ne serait-ce qu’avec une carte en train de chercher votre chemin, il y a de suite quelqu’un qui va venir vous voir pour savoir si vous avez besoin d’aide. Et même s’ils ne parlent pas anglais, ils essayent quand même de vous aider s’il le faut  avec des signes. Après ce que j’avais remarqué dans le cadre des affaires, ce que m’avait aussi confirmé mon interprète sur place, c’est qu’ils n’aimaient pas trop à avoir à dire non et que du coup, il fallait éviter les questions fermées qui demandent une réponse oui/non pour éviter qu’ils aient à dire “non” et de les mettre mal à l’aise.
 
Julie: En fait, ils n’aiment pas perdre la face. Donc si on les met dans une situation qui va leur faire perdre la face, là on les embarrasse, tout simplement. Donc si par exemple, on demande son chemin et qu’ils ne savent pas, on les met dans l’embarras car on les met face à une faiblesse. Du coup, ils peuvent vraiment devenir tout rouge et très très gêné. Ils vont tout faire pour trouver la réponse et vu qu’ils ne savent pas, ils vont interpeller le voisin d’à côté, qui lui n’avait rien demandé à personne mais vu que souvent ils sont serviables, tout le monde va se mettre en quatre pour nous aider. On n’a pas l’habitude de ça en France. Du coup, si on pensait demander une information et l’avoir en 3 secondes, ça peut prendre parfois vingt minutes pour retrouver son chemin parce que tout le monde est en train d’aider mais au moins, on ne se sent pas seul, on est toujours aidé. Par exemple, moi, chaque fois que j’avais un petit problème à l’appartement, par exemple un problème avec ma connexion wifi, toute de suite j’avais un employé qui venait m’aider. Pour avoir vraiment un problème au Japon, je ne dis pas qu’il faut les chercher mais en tout cas, ils sont très vite résolus.
 
Adriana: Tu as fréquenté beaucoup de japonais ou surtout des français sur place?
 
Julie: C’est très facile de s’intégrer pour mener sa vie. Par contre, créer des relations avec des japonais, ça s’est plus difficile. D’abord la barrière de la langue fait que même si on a des bases de japonais, on commence un petit à parler en japonais, on se présente, on dit deux, trois mots et on se retrouve vite bloqué.Et là si la personne en face ne parle pas anglais, la conversation peut vite s’arrêter là. On est coincé. C’est vrai que pour entamer des relations avec des japonais, c’est là que c’est vraiment important d’avoir des bonnes bases de japonais. C’est ce qui m’a manqué. J’ai passé un an au Japon car mon contrat était d’un an. Et à la fin de l’année, je ne peux pas dire que j’ai créé de vrais relations avec des japonais et c’est ce qui m’a manqué. J’ai eu une amie japonaise mais parce qu’elle parlait anglais.
 
Adriana: Donc mis à part la barrière de la langue, c’est quand même envisageable?
 
Julie: Oui bien sûr. On n’en a rencontré, on  a passé de très bons moments avec des japonais mais c’est jamais allé au delà. Après, il y a une particularité sociale qui fait que les japonais s’invitent entre amis mais à l’extérieur: ils s’invitent entre amis au restaurant, au bar mais pas chez eux. Le domicile familial est vraiment privé et totalement réservé à la famille donc même entre amis, ils ne s’invitent pas chez eux. Donc il ne faut pas s’étonner de ne pas être invité chez eux, c’est normal, c’est traditionnel. C’est comme ça, ça ne se fait pas.
 
Adriana: D’ailleurs, il me semble qu’il y a beaucoup d’entraide entre les générations et ça arrive qu’ils habitent tous ensemble, plusieurs générations dans la même maison
 
Julie: Alors ça je crois que ça peut être toujours le cas, mais ça se fait de moins en moins. Généralement, les jeunes maintenant ont leur petit studio. Après, je ne suis pas vraiment rentrée dans l’intimité des gens donc je ne sais pas trop. Mais je pense que ça se perd de plus en plus.
 
Adriana: Qu’est-ce qui t’a le plus marqué eu Japon car au niveau culturel, c’est tellement différent? Qu’es-ce qui a été le plus difficile?
 
Julie: Je dirais que c’est l’envie de parler avec des japonais mais de ne pas pouvoir discuter avec eux même si j’y suis restée pendant un an. Dès qu’ils voyaient une étrangère, ils étaient contents, ils venaient vers moi, ils me posaient des questions. Tant que ça restait des questions de base, je comprenais et je pouvais répondre. Dès que ça commençait à être des questions compliquées, on n’arrivait pas à aller plus loin et c’est très frustrant! 
 
Adriana: A l’inverse, qu’est ce qui t’a le plus fasciné?
 
Julie: Le côté très “sécuritaire” du Japon. On peut aller partout, quand on veut, à n’importe quelle heure de la journée. Même quand on est une fille seule, on peut rentrer le soir à trois, quatre heures du matin, on ne risque rien. On peut passer sous les ponts, voir des SDF (Sans Domicile Fixe) parce qu’il y en a au Japon. On ne risque strictement rien. On peut laisser son sac sur la table avec le téléphone, le MP3, tout ce qu’on veut et même aller au toilettes et revenir: personne  n’y aura jamais touché. 
 
Adriana: Il y a vraiment du respect?
 
Julie: Oui, il y a du respect des règles. Il y a des choses qui ne se font pas donc ils ne le font pas. C’est tout simple pour eux. C’est une évidence alors que c’est pas forcément le cas pour nous. Ce qui n’est pas à soi, n’est pas à soi et puis c’est tout. Et puis, ils respectent tout: le feu vert et le feu rouge pour les piétons; quand c’est rouge, ils ne traversent pas. Tu ne vois pas de tag dans la rue, pas de papier par terre, parce que tout est dans le respect. La propreté, c’est du respect. Ne pas embarrasser l’autre, c’est du respect. Tenir la porte à l’autre, c’est du respect. Tout est lié, la sécurité, la propreté, l’hygiène, tout ça se résume au respect.
 
Adriana: Et dans le cadre du boulot, c’était plutôt des collègues français ou tu avais aussi des collègues japonais?
 
Julie: Vu que j’ai travaillé dans un lycée français, je n’ai pas connu le milieu du travail japonais. Donc j’ai eu des collègues français qui pour certains, étaient là depuis longtemps donc ils avaient quand même le mode de vie japonais.
 
Adriana: Sinon, tu as peut être côtoyé les parents d’enfants japonais?
 
Julie: Ah oui, complètement parce que dans  ma classe par exemple, des CM1 et CM2, sur les 14 élèves que j’avais (c’était pas beaucoup) il n’y en avait qu’un de français. Tous les autres étaient des enfants issus de couples mixtes. Ça se passait très bien avec les parents,  des couples mixtes qui parlaient souvent les deux langues (français et japonais). ça s’est très bien passé. Je n’ai pas vu de différence de ce côté là par rapport à la France. Du coup, c’était rigolo car les petits franco-japonais m’apprenaient le japonais.
 
Adriana: Quand on parle de Kyoto, on pense forcément aux temples. Je suppose que tu en a visité beaucoup?
 
Julie: Ah oui, il y a plus de 1000 temples à Kyoto, rien que dans cette ville-là. 17 sont classés comme patrimoine de l’UNESCO. J’essayais chaque dimanche de visiter quelque chose: soit un temple, soit aller à un festival. Le dimanche, c’était ma journée de visite touristique et j’essayais vraiment de fouiner, chercher les petites rues, les petits temples cachés.
 
Adriana: Tu as eu le temps de tous les voir, les 1000 temples?
 
Julie: Ah non, je pense que même une année de plus ne suffirait pas. Après même si Kyoto est connu pour ces 1000 temples, parmi eux même le petit temple portatif en bois qui va être dans la rue est compté dans ces 1000 temples. Donc les vrais grands temples qui se visitent dans la nature, je pense qu’il doit y en avoir une cinquantaine, ce qui est déjà pas mal. Mais la plupart, ce sont de petits temples portatifs. 
 
Adriana: C’est bon à savoir car quand j’y suis passée à Kyoto, je me demandais où étaient ces 1000 temples. Et entre Kyoto et Tokyo, il y a de grandes différences?
 
Julie: Oui, il y a de grandes différences. Déjà Kyoto est classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. Donc, du point de vue de l’urbanisme, ils n’ont pas le droit de construire des immeubles plus hauts qu’un certain nombre d’étages dans certaines zones de la ville. Il y a des grands bâtiments à certains endroits mais pas dans certains quartiers où ils n’ont pas eu le droit de le faire. Donc à partir de là, ça reste à taille humaine: on voit le ciel,la nature, la verdure, la rivière. C’est beaucoup plus à taille humaine, traditionnelle, il y a beaucoup de maisons en bois. 
Par contre, à Tokyo, on pense souvent qu’il y a la foule, les trottoirs bondés, des immeubles à perte de vue et pas de nature. Alors certes, il y a du monde mais moi, les trottoirs bondés, je ne les ai jamais vu. Les trains bondés avec des “pousseurs”… en un an, je n’ai jamais vu de “pousseur”. Je pense qu’il y a un cliché à faire tomber. 
Même si c’est vrai que Tokyo est moins traditionnel que Kyoto, Tokyo n’est pas invivable. C’est vraiment très agréable de vivre à Tokyo je pense, même si je préfère Kyoto car il y a plus de nature. 
 
Adriana: Au bout d’un an tu es rentré. Qu’est-ce que ça t’a apporté cette expérience au Japon?
 
Julie: Beaucoup de rêves, de beaux souvenirs. L’envie de repartir. J’ai beaucoup voyagé étant petite et c’est vrai que j’ai tout le temps “la bougeotte”. Le fait d’avoir passé un an à l’étranger me donne envie de repasser un an voire plus à l’étranger. J’adore ça! Ça permet de cumuler à la fois le travail et le plaisir de touriste, de tout le temps découvrir quelque chose de nouveau. Chaque journée, on sort de chez soi et on fait une découverte et ça c’est vraiment génial. C’est vrai qu’on peut le faire aussi ici, chez soi. On peut très bien prendre le temps de visiter mais il faut être honnête, on le fait pas.
 
Adriana: C’est sûr qu’on a tendance à se dire, que c’est là, tout près, qu’on a le temps et puis finalement on ne le fait pas. On connaît parfois même mieux certaines villes à l’étranger que la sienne.
 
Julie: Et puis, c’est l’aventure. Même d’un point de vue culinaire, on goûte de nouvelles choses, on découvre de nouveaux paysages, des nouvelles mentalités. D’ailleurs, c’est peut être ça que j’ai gardé du Japon, la mentalité que j’ai pas rapporté ou gardé. Mais j’ai tellement apprécié cette mentalité japonaise, que j’essaye de ne plus être ce “français râleur” qui a toujours un truc à critiquer. J’essaye de changer. Alors, tout n’est pas à copier au Japon parce que le milieu du travail, à mon avis c’est eux qui ont plus à s’ouvrir mais pour tout le reste, je pense qu’on a des choses à apprendre du Japon. Donc, ce que j’ai retenu du Japon, c’est leur mentalité.
 
Adriana: Qu’est-ce que tu conseillerais à quelqu’un qui rêve de partir et trouver un emploi au Japon?
 
Julie: Maîtriser l’anglais. Je reviens sur la langue car c’est la barrière principale sinon tout le reste, la culture, la mentalité, ce ne sera pas une barrière. On s’y fait, on s’y adapte très bien mais l’anglais et avoir des bases de japonais, ça m’a quand même bien aidé. Ne serait-ce que pour lire les cartes des restaurants. Alors c’est vrai qu’ils ont leur petits plats en plastique dans les vitrines avec lesquels on peut s’en sortir, on peut montrer. Néanmoins, les japonais apprécient quand ils voient un touriste qui fait l’effort d’essayer de s’adresser à eux en japonais. Tout de suite leurs visages s’éclairent et on sent qu’il y a des portes qui s’ouvrent. Donc si j’avais aussi un autre conseil que l’anglais, c’est essayer d’apprendre un petit peu de japonais. Car très souvent, lorsqu’on est touriste là bas, ils s’imaginent qu’on est des touristes américains car il y en a beaucoup et je pense que les touristes américains font rarement l’effort de parler un peu japonais et ce n’est pas très apprécié. Quand un touriste fait l’effort de s’adresser à eux en japonais, ça ouvre des portes.
 
Adriana: Je te remercie Julie pour tous ces conseils. Je pense que vous aussi, vous pouvez vous inspirer de son histoire. Si vous souhaitez d’autres conseils, si vous avez d’autres questions sur le Japon, je vous encourage à me les indiquer dans les commentaires ci-dessous!

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